Un service de signalement indépendant pour le sport suisse : sur la bonne voie

27 juin 2022

Afin de mieux protéger les athlètes à l’avenir, le gouvernement fédéral et les fédérations sportives souhaitent mettre en œuvre des mesures globales. Parmi celles-ci, la création d’un service de signalement central et indépendant pour l’ensemble du sport suisse. Le Service de signalement de Swiss Sport Integrity a débuté ses activités le 1 janvier 2022.


 

Un service de signalement adapté aux enfants 

L’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant suisse salue le Service de signalement national et approuve la création d’une base juridique à cet effet. Les mineurs ont une place particulièrement vulnérable dans le sport, en raison de leur âge, de l’inégalité de pouvoir entre les entraîneurs et les sportifs et du temps qu’ils passent à faire du sport. Un service de signalement indépendant représente donc un pas important vers plus d’équité et de protection dans le sport, particulièrement pour les mineurs. Mais sa seule existence ne garantit pas que les enfants et les jeunes pourront effectuer un signalement par eux-mêmes. Le soutien de leurs parents ou de leur entourage plus large n’est forcément garanti. Souvent, ce sont précisément les parents qui exercent une pression supplémentaire et font passer les succès sportifs avant les intérêts des enfants. Le site Internet de Sport Integrity doit donc impérativement être adapté aux enfants. Le signalement doit être simple et compréhensible.


 

Partager les connaissances pratiques et créer l’équité pour les enfants

À l’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant suisse, nous savons, du fait de notre expérience d’intermédiation quotidienne, qu’il faut absolument établir un seuil de signalement bas. C’est la raison pour laquelle il convient de mettre à disposition des informations adaptées aux enfants. Il en va de même pour toutes les procédures postérieures. Les enfants et les adolescents, tout comme les adultes, doivent être informés de la suite des événements. Pour cela, il faut impérativement disposer d’informations et de connaissances sur les conseils adaptés aux enfants. En conséquence, il est nécessaire d’inclure une formulation pertinente dans l’ordonnance sur l’encouragement du sport (OESp) afin de fournir des orientations claires au service de signalement chargé de produire ces documents.  


 

Professionnels consultés : formation continue et inter/multidisciplinarité 

Il est également très important que les professionnels soient spécifiquement formés, en particulier pour la réception des signalements. D’une part, ils doivent savoir comment s’y prendre avec les mineurs, notamment en matière de psychologie du développement, de techniques d’entretien avec les enfants et de gestion des conflits, et comprendre leur propre rôle. De l’autre, ils doivent aussi savoir comment interagir avec des victimes potentiellement traumatisées.  

De plus, il faut qu’une équipe interdisciplinaire, qui recouvre notamment les domaines du droit, de la psychologie et de la médecine, travaille au sein du service de signalement. D’une part, cela simplifie le tri vers les services spécialisés adéquats. De l’autre part, cela s’avère important pour une discussion large des cas et sert à éliminer d’éventuels conflits d’intérêts. 


 

Que se passe-t-il en cas d’infraction ?   

Que se passe-t-il si le Service de signalement constate un fait susceptible de constituer une infraction pénale et un délit juridique ? Est-ce que le service de signalement en informe les autorités pénales compétentes ? Quelle que soit la réponse, les victimes doivent absolument recevoir des conseils complets sur la pertinence de leur cas au regard du droit pénal. Les employés du Service de signalement doivent disposer des connaissances nécessaires pour évaluer si un cas relève du droit pénal. En cas de tri, ils doivent disposer de connaissances juridiques suffisantes pour reconnaître ces cas. 


 

Quel est le degré d’indépendance du Service de signalement ?

La fondation Swiss Sport Integrity est indépendante. Néanmoins, il existe des conflits d’intérêts entre les prérogatives du gouvernement fédéral et celles du comité olympique suisse. Dans tous les cas, nous considérons qu’il est fondamentalement problématique que la décision de signaler un cas aux autorités compétentes ou de le trier vers d’autres services spécialisés se fasse au sein de l’organisation. Il n’est pas (et ne doit pas être) du ressort d’un service de signalement de décider des mesures à prendre. Au contraire, le Service de signalement devrait être tenu d’orienter dans tous les cas la personne à l’origine du signalement, en particulier s’il s’agit de la victime, vers des services spécialisés appropriés. Cela permet de garantir que ces personnes reçoivent les informations nécessaires pour entamer d’autres procédures ou pour obtenir de l’aide, indépendamment du signalement à Swiss Sport Integrity. Par ailleurs, en ce qui concerne le conseil initial, nous estimons également qu’il est absolument nécessaire que celui-ci soit dissocié de Sports Integrity afin de pouvoir conseiller les personnes de manière complète et sans conflits d’intérêts, pour éviter tout risque de système judiciaire parallèle. Tout comme le signalement lui-même, la première consultation doit être à bas seuil et adaptée aux enfants. En d’autres termes, les informations fournies dans ce contexte doivent être assimilables immédiatement. C’est précisément lorsqu’une personne hésite à effectuer un signalement qu’un service de conseil initial peut aider et garantir l’accès au système juridique. 


 

Encouragement ou surmenage ? 

Que ce soit dans le sport de compétition ou dans le sport amateur, les enfants qui pratiquent un sport se retrouvent souvent sur une ligne de crête, entre l’encouragement et le surmenage. L’enfant prend-il encore du plaisir ? S’entraîne-t-il par plaisir et ambition personnelle, ou pour plaire à ses parents ou à son entraîneur ? Les dossiers de Macolin commencent à peine à être révélés, mais les rapports faisant état de dysfonctionnements dans des écoles de danse renommées se multiplient. Il est de plus en plus évident que ces situations douteuses du point de vue des droits de l’enfant dans le sport ne peuvent pas être limitées à quelques domaines. Un regard actif, des questions approfondies et une intervention courageuse de tous les participants sont les piliers d’un sport adapté aux enfants. 


 

Plus de sensibilisation, moins de bureaucratie 

L’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant suisse plaide donc pour plus de sensibilisation et moins de bureaucratie, notamment en ce qui concerne le Service de signalement de Swiss Sport Integrity. En principe, nous sommes favorables à ce que les subventions publiques soient assorties de conditions et à ce que le non-respect des principes éthiques puisse entraîner leur suspension. La sensibilisation est toutefois la meilleure des préventions..


 

Formation continue pour les formateur·trice·s 

Selon nous, l’accent doit être porté sur la protection et la sensibilisation. Nous souhaiterions que l’encouragement du sport se concentre davantage sur l’aspect pratique et la sensibilisation que sur les sanctions. Par exemple, en prescrivant dans l’ordonnance sur l’encouragement du sport (OESp) des formations continues régulières de sensibilisation pour les entraîneurs ou en exigeant de ces derniers qu’ils présentent systématiquement et régulièrement un extrait de casier judiciaire. La fondation IdéeSport a réalisé un travail préparatoire important sur ce thème en élaborant, dans le cadre d’un projet de trois ans, des mesures pratiques, adaptées au groupe cible et très efficaces pour protéger le bien-être des enfants. Nous nous référons volontiers à la position d’IdéeSport selon laquelle le sport non organisé devrait également faire partie de cette ordonnance.