La consultation nationale montre une large adhésion en faveur d'un Office de l'Ombudsman des droits de l'enfant

6 mai 2024

La consultation sur la mise en œuvre de la motion 19.3633 «Créer un bureau de médiation pour les droits de l'enfant» est arrivée à son terme fin mars. Comme nous en avons déjà fait état en février (voir l’article sur le blog), la fondation de droit privé Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant Suisse refuse catégoriquement le projet de mise en œuvre de la motion Noser présenté par le Conseil fédéral. Elle demande à la place un message législatif qui crée les bases d’un Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant de droit public, national, indépendant, moderne et facile d’accès. Vous trouverez notre avis final ici. 

 

D’autres organisations et partis ont depuis publié leur avis. Heureusement la motion Noser 19.3633 «Créer un bureau de médiation pour les droits de l'enfant» avec sa revendication fondamentale bénéficie d’un immense soutien. Presque toutes les organisations spécialisées sont d’accord: elles considèrent que la voie proposée par le Conseil fédéral est insuffisante et demandent la mise en œuvre effective de la motion Noser. D’autres acteurs importants des cantons, la majorité des partis politiques ainsi que de nombreuses autres organisations défendent aussi cette position.

 

Un large soutien qui montre l’urgence d’une solution nationale globale

Compte tenu de cette large participation, l’affaire devrait encore faire l’objet de discussions au Conseil fédéral et peut-être aussi au Parlement national. L’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant Suisse espère désormais, sur la base des attentes évidentes révélées par la consultation, que la Confédération et le Parlement reconnaîtront l’urgence de la demande et prendront les mesures nécessaires.

La nécessité d’un Office de l’Ombudsman est incontestée dans les milieux spécialisés et bénéficie aussi d’un large soutien politique. Cela est d’autant plus compréhensible quand des personnes directement concernées démontrent les souffrances auxquelles elles auraient échappé si cet Office avait existé. Il convient de mentionner en particulier Careleaver Schweiz qui s’engage pour que les (anciens) enfants placés aient de meilleures chances à l’avenir et bénéficient d’un soutien pour construire leur vie de jeunes adultes. Dans son avis, l’association explique pourquoi il serait extrêmement important de créer cet Office en particulier pour les personnes confrontées dès l’enfance à des situations très difficiles. Et ce, dans une perspective d’égalité des chances, mais aussi pour éviter une injustice aux conséquences sociales et financières importantes.

 

Attentes envers les responsables politiques du point de vue du droit des enfants

L’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant a donc élaboré il y a deux ans déjà un projet de loi qui a été mis à disposition des autorités compétentes pour contribuer aux débats politiques. Ce projet constituerait une base utile pour la suite des travaux et discussions nécessaires à une solution globale au niveau national. Les connaissances pratiques, de nombreuses réactions et expériences des milieux spécialisés et des entretiens avec les professionnels concernés ont contribué à l’élaboration de ce projet.

Un Office de l’Ombudsman de droit public qui s’adresse efficacement aux enfants et qui complète l’environnement judiciaire actuel, nécessite, d’après ces retours d’expérience, les conditions cadres et structures suivantes et comprend les missions centrales suivantes:

  • Une base juridique avec un mandat de droit public
  • Un focus sur l’activité de conseil et d’intermédiaire juridique
  • Un droit d’accès pour l’échange d’informations
  • La légitimation permettant d’émettre des recommandations
  • Indépendant et national avec des représentations dans les régions linguistiques
  • Moderne, à seuil bas, multilingue et accessible à tous les enfants de Suisse
  • Compétences prouvées dans les relations avec les enfants
  • Connaissances juridiques dans tous les domaines du droit
  • Garantie des droits dans les étapes et domaines importants de la vie des enfants tels que la petite enfance, l’école, le sport, la santé, le divorce/la séparation des parents, la protection des enfants contre la violence physique, psychique et sexuelle, la négligence, les délits, la pauvreté (aide sociale), la discrimination, le racisme, la migration
  • Garantie de l’accès à la justice et aux possibilités de recours existantes et garantie des droits, notamment le droit à l’information, à être entendu et à une représentation juridique
  • Droit de mandater une représentation juridique indépendante, pour les enfants non capables de discernement (si les autorités et les tribunaux compétents ne procèdent pas eux-mêmes au mandat)
  • Mise en réseau et collaboration avec l’ensemble des actrices et acteurs du système judiciaire
  • Encouragement dans le domaine des droits de l’enfant grâce à une expérience pratique
  • Rapports annuels aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire au niveau fédéral et cantonal
  • Afin de garantir l’indépendance vis-à-vis de l’exécutif et du pouvoir judiciaire, le mandat doit être attribué par une sous-commission (CE+CN) des Commissions des institutions politiques (CIP) du Parlement fédéral.
  • Investissement de deux millions de francs par an

Sur la base des expériences du projet pilote de droit privé, ces conditions cadres ainsi que le volume d’investissement sont suffisants pour que les missions puissent être menées à bien de manière durable et efficace Il s’agit d’un investissement rentable, car il y aura moins de plaintes, d’où une réduction des frais de justice sur toute la durée du litige. De plus, les escalades seront évitées, les procédures abrégées et les coûteuses erreurs judiciaires réduites.

 

La limitation des compétences proposée garantit la constitutionnalité

Ces conditions cadres maintiennent clairement les limitations de compétences. L’Office de l’Ombudsman a vocation à fonctionner comme instance de soutien et de coordination et à intervenir à court terme et en fonction de la situation dans les cas de violation des droits, afin de garantir les droits des enfants et des jeunes. Le travail direct auprès des enfants et des jeunes continue d’être effectué exclusivement par les professionnels sur place tels que les curatrices et curateurs, les travailleuses sociales et travailleurs sociaux en milieu scolaire, les psychologues, les médiatrices et médiateurs, les membres de l’Autorité de protection des enfants et des adultes (APEA), les juges, les avocates et avocats des mineurs, les policières et policiers, les représentantes légales et représentants légaux, et d’autres services spécialisés. Ces professionnels sont irremplaçables pour fournir l’aide et le soutien nécessaires au niveau local et la mise en œuvre sur place des droits de l’enfant.

Etant donné qu’un Office de l’Ombudsman doit être indépendant et impartial, qu’il ne remplace pas les professionnels sur place et qu’il n’intervient en tant qu’intermédiaire qu’en fonction de la situation et à court terme, cet Office n’a pas besoin d’un droit de regard sur les dossiers. Un droit d’accès est suffisant. De plus, il ne mène aucune procédure légale et ne dispose d’aucun droit de recours pour faire appel. Il existe des défenseurs sur place pour cela. Il en va de même pour les enquêtes, qui sont également du ressort des autorités d’enquête locales. En outre, l’Office de l’Ombudsman ne doit pas disposer d’un pouvoir de surveillance systématique des offices fédéraux et des cantons. Si un signalement doit être adressé à une autorité de surveillance, celles de la Confédération, des cantons et des communes sont compétentes.

Sur ces points en particulier, les attentes des différentes organisations spécialisées diffèrent quant aux compétences d’un Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant de droit public. Dans ce contexte, on peut comprendre l’attitude critique en matière de constitutionnalité de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) dans le rapport explicatif de la consultation. En revanche, avec les compétences limitées présentées ici, l’Office serait entièrement conforme à la Constitution fédérale et garantirait dans le même temps le principe de subsidiarité ainsi que les délimitations de compétences actuelles. Le Service de signalement de Swiss Sport Integrity en particulier en est la preuve. Cette instance comparable, conforme à la Constitution et financée à 100 % par la Confédération reçoit au niveau national des signalements d’enfants, de jeunes et de jeunes adultes d’organisations sportives locales. Pour installer l’Office de l’Ombudsman escompté pour tous les enfants de Suisse au niveau national, il convient donc de considérer soigneusement les compétences nécessaires pour réaliser efficacement l’objectif souhaité.

 

Décision sur la marche à suivre attendue de la part de la Confédération dans les mois à venir

L'Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant Suisse est convaincu qu’avec les avis des acteurs importants de la politique sociale et de l’enfance qui montrent un consensus important et avec le projet de loi mentionné, il est possible d’élaborer relativement rapidement un projet de mise en œuvre remanié au niveau fédéral. Dans l’idéal et avec la volonté nécessaire dans l’administration et chez les responsables politiques, une loi correspondante pourrait entrer en vigueur dès 2026, d’après le modèle du Service de signalement de Swiss Sport Integrity, dont la mise en place a été réalisée dans un délai d’un an.

Cependant, il faut d’abord attendre l’évaluation de la consultation et ce que la Confédération prévoit de faire. Les avis des participantes et participants à la consultation devraient être mis en ligne dans les prochaines semaines à l’adresse suivantes. Nous espérons la publication du rapport sur les résultats au plus tard au 3e trimestre. Le Conseil fédéral décidera ensuite de la marche à suivre.

En attendant, l’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant Suisse continuera de s’investir pour un système judiciaire meilleur et mieux adapté aux enfants en mettant à profit ses 17 ans d’expérience pratique dans le domaine des droits de l’enfant et les connaissances issues de son projet modèle/pilote. Les enfants ont des droits en tant qu’individus. L’Etat doit les respecter et fixer les conditions cadres correspondantes. Il est temps que la Suisse respecte ses obligations et notamment applique enfin efficacement la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée en 1997, pour le bien de notre société et surtout pour le bien de nos enfants.